Sucy, points d’Histoire

     Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie - www.shas.fr

     N°19 - décembre 2020

 

Ludovic Halévy, notes et souvenirs de mai à décembre 1871

Dans la lettre mensuelle de novembre dernier, Ludovic Halévy, le célèbre librettiste de Carmen et des opéras-bouffe d’Offenbach nous a livré ses impressions sur le début de la guerre de 1870-1871. Dans un ouvrage publié en 1888, Notes et souvenirs de mai à décembre 1871, il rappelle à la demande d’un ami ses souvenirs sur l’épisode malheureux de la Commune qui a vu s’opposer ceux que l’on appelait les Versaillais, soit le gouvernement dirigé par Adolphe Thiers, au peuple parisien insurgé, car il craignait le rétablissement de la monarchie en France par une assemblée dominée par les monarchistes.

Qu’en est-il de la famille impériale ?  Reprenant un article du Times, Ludovic Halévy décrit le voyage de Napoléon III, prisonnier en Allemagne, jusqu’en Angleterre :

« Le dimanche 19 mars, à six heures, pendant que M. Thiers abandonnait Paris, en emmenant avec lui tout le gouvernement, l’Empereur partait de Wilhelmshohe, escorté par une garde d’honneur allemande… qui l’accompagne jusqu’à la frontière. L’empereur est reçu là par un aide de camp du roi des Belges, traverse toute la Belgique dans le train royal et s’embarque sur Le comte de Flandre, le yacht à vapeur du roi des Belges. A Douvres, une foule énorme attendait et les Anglais font à l’empereur une réception enthousiaste. Applaudissements sur applaudissements éclatent au milieu de la multitude assemblée ; l’Empereur sourit et salue ».

Napoléon III, exilé en Angleterre

Le 21 mars, le Times écrit un long article sur le début de la Commune, qui commence ainsi : « La guerre est déclarée entre Paris et Versailles, entre le drapeau rouge et le drapeau tricolore. La Commune est soulevée contre l’Assemblée. Il y a, entre les deux adversaires, une question de force aussi bien qu’une question de droit, et c’est la solution de la première qui décidera des mérites de la seconde ».

Ludovic Halévy resté pendant le début de l’insurrection du côté versaillais n’a pu décrire les barricades. Mais il constate les conséquences de la guerre civile. Le lundi 22 mai 1871, il insère dans son ouvrage la dépêche de Thiers publiée la veille : « La porte de Saint-Cloud vient de s’abattre sous le feu de nos canons. Le général Douai s’y est précipité et il entre en ce moment dans Paris avec ses troupes… »
C’est le début de la répression. Des prisonniers sont emmenés en convoi à Versailles.

L'incendie de l'Hotel de Ville en 1871

23 mai : « En tête, une vingtaine de femmes ; démarche assurée, regard ferme, un air d’orgueil et de crânerie… les hommes derrière, marchant deux par deux, tenant chacun par la main une longue corde et maintenus étroitement serrés par deux files de cavaliers, le revolver au poing… Puis encore des femmes… Encore un enfant dans les bras d’une de ces femmes…tout petit celui-là… Il crie… Sa mère le regarde… Elle a l’air de lui dire : ‘ Tu auras à téter quand nous serons arrivés… Ici je ne peux pas.C’est navrant ! On n’aurait pas dû faire venir cette femme à pied, de Paris, avec cet enfant. »

Louise Michel avec les prisonniers de la Commune, emmenés à Versailles


Prisonniers de la Commune, dans l'Orangerie de Versailles


Mercredi 24 mai : « Sept heures un quart du matin. Premier coup de canon. La bataille recommence. L’insurrection, hier soir, n’avait plus que le Louvre, les Tuileries, l’Hôtel de Ville, la Banque, la Bibliothèque Nationale, la Bourse…Rien que cela ».

Fin mai, Ludovic Halévy entre dans Paris et constate : « Nous prenons la rue Montmartre ; grand rassemblement près des Halles, à la pointe Saint-Eustache ; un obus du Père-Lachaise vient de tomber là, il y a cinq minutes, mais il n’a pas éclaté et n’a fait aucun mal…Nous voici devant l’Hôtel de Ville…Quelle effrayante et admirable ruine ! On ne devrait pas toucher à ces murs déchiquetés et calcinés par l’incendie. On devrait les laisser là, toujours, en plein cœur de Paris, comme une éternelle leçon, en témoignage de nos fautes, de nos discordes, de nos folies. A l’intérieur, les grandes charpentes brûlent et fument encore. Tout autour de la place, de grandes barricades effondrées, éventrées. Une clôture de planches entourait l’Hôtel de Ville ; sur une de ces planches se trouvait une affiche trouée et rongée par le feu. C’est la dernière proclamation de la Commune… Avec des soins infinis – rien n’arrête un collectionneur – je réussis à détacher cette affiche, et je l’emporte, en souvenir de cette tragique promenade ».


Les ruines de l'Hôtel de Ville de Paris

Le 9 juin, Ludovic Halévy se trouve devant l’église Notre-Dame des Victoires et rencontre un témoin de l’occupation de l’église par les insurgés. Ce témoin raconte : « Nous étions une caserne. Tout un bataillon de Belleville est venu s’installer ici avec armes et bagages. Ils ont réquisitionné des matelas dans le voisinage et l’église est devenue un grand dortoir d’insurgés. Tant qu’il n’y a eu que des hommes, ça pouvait encore se tolérer ; mais voilà qu’au bout de huit jours, ils se sont ennuyés d’être là tout seuls, sans femmes…Alors l’un après l’autre, ils ont fait venir leurs dames, légitimes ou non… Ils faisaient l’exercice dans l’église, et la cuisine, et autre chose, et tout enfin…»

Avec l’avènement de la Commune, les églises deviennent le lieu privilégié des réunions politiques

Dimanche 2 juillet 1871 : jour de vote pour compléter la députation de Paris (22 députés à élire) : «  Voici la rencontre de l’électeur riche et de l’électeur pauvre. Le millionnaire descend de son coupé, devant la porte de sa section, au milieu des distributeurs de bulletins, et se heurte au vagabond. Le premier prend le bulletin bleu ; le second le bulletin rouge. Ils entrent tous deux. Le millionnaire regarde les loques du déguenillé : « Quand on pense, se dit-il, que cela vote, que cela vote…comme moi ! » Le déguenillé se dit : « Je te vaux aujourd’hui, et, bientôt, grâce à cette petite boîte de bois blanc (l’urne), ce sera tous les jours, mon jour ! »

Sans partager les idées de la Commune, Ludovic Halévy est néanmoins un témoin objectif des événements et ne cache pas son émotion devant des drames individuels affligeant femmes et enfants. 


Prochaine exposition de 2021

Malgré le confinement, la SHAS commence à préparer sa prochaine exposition. Le thème choisi est le suivant : "Sucy et la nature". Ce thème tiendra compte aussi bien du passé que du présent. Il pourrait être annoncé aux écoles, qui auront ainsi l'occasion de contribuer à cet événement.
Pour l'instant pas de réunion formelle, mais le travail avance.



18-19-20 décembre : marché de Noël à Sucy
photo de Jean-Marc Stoeffler octobre 2020, cliquer l'image
 Photo JMS : Cliquer l'image...

La Société Historrique de Sucy sera présente sur un stand du marché de Noël, dans le château.


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09/11/2020 - Responsable de la publication : Michel Balard, président de l’association balard@univ-paris1.fr.

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