L  A   V  I  E     Q  U O T  I  D  I  E N  N  E 

 

A        SUCY-en-BRIE

A  LA  FIN  DU  SECOND  MILLÉNAIRE

 

 

 

 

 

GEORGES CARROT

D O C T E U R  EN  H I S T O I R E

 

 

 

 


 

 

COUVERTURE : Le Château de Montaleau où Madame de Sévigné, du moins l’a-t-elle écrit, avait passé dans la première moitié du XVIIe siècle « les plus belles années de sa jeunesse ». En 2000, ce magnifique bâtiment abritait encore les activités du Conservatoire de musique de Sucy. La photographie a été prise depuis l’une des salles de lecture de la Médiathèque, et  à travers les stores solaires. Ils filtraient à la fois la lumière d’un bel après-midi d’hiver et le passé illustre de ces lieux, tout en clignant vers un  futur indéterminable.

 

 

 

 

 

 

© Georges Carrot-2, Sucy-en-Brie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Si l'on ne veut point que la "vie du Romain" se perde dans les anachronismes ou s'immobilise dans l'abstraction, il faut commencer par l’étudier dans le cercle concret d'une période strictement définie. Rien ne change aussi vite que les habitudes des hommes. »

La vie quotidienne à Rome à l'apogée de l'Empire

 

JÉRÔME CARCOPINO

de l'académie française

 

 

 

 

 


 

 

 

GEORGES CARROT

DOCTEUR EN HISTOIRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L A  V I E  Q U OT I D I E N N E

A    SUCY-en-BRIE

A  LA  FIN  DU SECOND  MILLÉNAIRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DE SUCY-EN-BRIE

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


LES ÉCRITS DE L’AN 2000

 

« Entre la pénombre toujours équivoque du passé et la nuit trop éblouissante du futur »

 

 BRICE GIGER

 

 

 

C’est à Brice GIGER, artiste peintre et sculpteur, que revient la réalisation de cette sculpture en céramique, monumentale et creuse, placée dans le hall de la Médiathèque de Sucy. A l’intérieur du cylindre, ont été déposés les textes, dessins ou croquis par lesquels tous ceux qui le souhaitaient ont eu la possibilité de transmettre aux Sucyciens de demain leurs sentiments, leurs désirs et leurs espérances. Elle a été fermée et scellée le 31 décembre 2000 Elle ne devrait être ouverte que le 31 décembre 2100.

 

 


 

 

A V A N T - P R O P O S

 

 

 

 

L

orsque dans une centaine d'années, des personnes vivant à Sucy auront la curiosité de connaître ce qu’avait bien pu être la vie des Sucyciens autour des années 2000, ils disposeront au moins sur nous d’un privilège énorme. Ils connaîtront ce que nous ne sommes même pas en mesure d’imaginer.

 

Ce qui leur sera par contre difficile de se représenter, c'est la réalité de la vie quotidienne dans cette commune. Comment pourront-ils se faire une idée pas trop inexacte de ce qui constituait le cours de nos jours ? Seront-ils vraiment en mesure de concevoir le cadre matériel de nos existences, nos manières de penser, nos mœurs, nos besoins, nos aspirations, etc. ? On croit leur laisser une somme de documents, non pas seulement des écrits ou des photographies, mais aussi des images animées. Qu'en restera-t-il dans cent ans ? Que sera-t-il advenu de ces masses de papier qui déferlent chaque jour, de ces journaux trop épais, de ces fragiles bandes magnétiques ainsi que de ces Cédéroms ou ces DVD bientôt obsolètes et donc illisibles ?

 

Certes, les archives sont maintenant mieux organisées. Mais elles auront été déplacées, des documents auront été mis au pilon. Assez nombreux sont actuellement les habitants qui ont le souci de ne pas partir sans laisser des traces de leur existence aux générations futures. Mais leurs descendants auront déménagé, des familles se seront dilatées ou simplement effacées. D'autres les auront remplacées, venues d'ailleurs et peut être de très loin. Les fragiles pièces, un temps soigneusement conservées, auront disparu peu à peu, englouties par le temps, la négligence, l'indifférence, l'oubli ...

 

Conscient sans doute de ces tristes perspectives, le Centre culturel de Sucy a pris une intéressante initiative : celle d'enfermer, dans un immense cylindre, des enveloppes  scellées jusqu'à 2100. Des Sucyciens, jeunes et moins jeunes, y ont confié leurs souhaits, leurs désirs, voire leurs espérances pour le siècle à venir. Ces « Écrits de l'an 2000 » ne devront pas être ouverts avant 2100. Mais où sera relégué cet encombrant objet, pour l’heure placé dans le hall de la Médiathèque, quand la décoration moderne dont on l'a habillé sera passée de mode, ?

 

Combien de ces documents ou de ces témoignages réussiront à franchir le siècle ? Un peu plus peut-être que ceux collectés entre 1996 et 2000 pour tenter de faire revivre le Sucy d'avant la Grande Guerre. Mais ils seront appréhendés dans un tout autre esprit par des gens qui ne pourront se situer qu’en décalage avec nos formes actuelles de pensée. Comme nous le sommes nous-mêmes avec les générations ayant vécu au début du XXesiècle.

 

En tant que rédacteur du dernier chapitre d’une récente « Histoire contemporaine de Sucy », je m’étais trouvé dans une bien meilleure situation. Pour décrire la vie présente de nos concitoyens, je disposais d’une abondante documentation. Je n’avais plus qu’à la trier, l’analyser et la synthétiser. Pour le reste, j’avais en outre l’avantage de pouvoir me servir de mes yeux et de mes oreilles. Ce faisant, ne suis-je pas demeuré victime, autant de mes propres préjugés que de ceux de mon temps ? Faute d’un recul nécessaire, ce n’était pas encore de l’histoire !


C'est pourquoi, j’ai tenté de réaliser ici une idée qui me tenait à cœur : celle de se couler intellectuellement dans l’état d’esprit d’un historien qui chercherait — en un temps futur — à évoquer et à expliquer ce qui forme — en ce moment même — le fond et la trame de notre vie quotidienne.

 

Mais dans quel avenir se projeter ? Ayant traité précédemment du début du XXe siècle,  j’ai pensé qu’il serait pertinent de s’en tenir à l’ éloignement qui avait été le mien vis-à-vis des Sucyciens d’avant 1914. J’ai donc choisi l’année 2100.

 

Disposant ainsi d’une certaine distance avec le présent, je me suis senti  paradoxalement plus libre pour évoquer et décrire cet actuel devenu, par hypothèse de travail, un passé. Mais la synthèse a ses impératifs. Que les lecteurs du début des années 2000 n'y cherchent évidemment pas une description détaillée de leur cadre de vie, ni un récolement complet de leurs activités ! Qu'ils ne s'indignent pas non plus d'une omission nécessaire, voire d'une erreur involontaire ! Même si j’admets de convention que la collection des Sucy Info sera encore partiellement consultable et la plupart de mes informations vérifiables.

 

Si l’'historien se trouve protégé par l’espace plus ou moins grand qui le sépare des faits et des hommes, en revanche, bien des choses, et pas seulement des détails, lui échappent. Or sa règle doit çetre de ne rien avancer dont il n'ait la certitude. De plus, sa neutralité est un devoir. S'il peut se laisser entraîner à émettre des jugements, c'est seulement dans la mesure où sa connaissance des faits ultérieurs lui permet de s'y risquer. Ceux qui se consacrent à l'histoire d'un présent assez proche ont conscience de cette trop évidente proximité avec les événements. S'ils sont honnêtes, ils la compensent par une extrême prudence.

 

Me transportant artificiellement dans un avenir assez lointain sur lequel je ne peux avoir à l’évidence que de vagues et douteuses notions, j’ai imaginé de travailler en utilisant les méthodes d'un chercheur de demain avec la volonté de rendre intelligible pour les hommes d'une autre époque la réalité de la vie à Sucy à l’extrême fin de notre XXe siècle. Même si l’on a du mal à s’y résigner, pourrait-on oublier que cette ville et la société qui la composent continueront à évoluer et à se transformer. Comment et jusqu'à quel point ? C'est l'un des mystères de l'histoire !

 

 

Sucy-en-Brie, 21 juin 2000