LE COMMERCE LOCAL

 

 

 

I

l n'y avait que 2 150 personnes, soit à peine un sur six de ses habitants actifs, qui travaillaient sur le territoire de la commune. Ils formaient une grosse partie des quelques 500 fonctionnaires communaux. Les autres occupaient des places de dirigeants, de collaborateurs ou d’employés dans des entreprises industrielles, commerciales ou libérales. Beaucoup aussi oeuvraient dans des boutiques et des établissements commerciaux ouverts au public. Sur le Guide de Sucy édité en 2000, c’est une quarantaine de pages qu'il faut consulter pour répertorier toutes les activités possibles. Cela commençait à la lettre A par une Agence de voyages, sept Agences immobilières et quatre Antiquaires, pour se terminer avec deux boutiques de Vins et spiritueux.

 

 

La répartition des commerces

 

Sept de ces quatorze commerces se situaient dans le Vieux Sucy. C'est une proportion assez caractéristique. Le centre historique maintenait ses fonctions, non seulement administratives, mais aussi commerciales. En 1994, on y trouvait encore les magasins de 82 commerçants, mais aussi les ateliers de 16 artisans, les bureaux de 62 professions libérales, ainsi que 6 banques et 2 pharmacies[1]. En six ans, plusieurs de ces commerçants avaient disparu. Quelques autres étaient venus les remplacer, mais pas forcément au même endroit.

 

Tous les témoignages concordent pour affirmer que les détaillants du centre rencontraient depuis plusieurs années des difficultés. Celles-ci étaient dues autant à une diminution sensible de la population de ce vieux quartier qu'à la prolifération des grandes surfaces aux alentours. Pourtant, ces mêmes commerçants profitaient dans une certaine mesure de la foule des chalands que le marché attirait deux fois par semaine. C'était l'un des plus fréquentés du département. Il remontait à une longue tradition. Chaque mercredi et samedi matin, des milliers de Sucyciens et même beaucoup de personnes venues des communes voisines, s'y rendaient à pied, en vélo ou en voiture. 150 marchands, forains ou sédentaires tenant boutique ailleurs, installaient leurs étals sur le 3 750 mètres carrés d'un marché couvert aux deux tiers. Inauguré en 1965 et géré par une société concessionnaire, il avait été rénové pendant l'été 1997[2].

 

Il a été noté plus haut que le commerce ne se cantonnait pas au centre ville. Dans une agglomération aussi étendue, plusieurs quartiers plus ou moins éloignés et ayant acquis une identité avaient généré leurs propres centres commerciaux. C'est ce qui était déjà arrivé vers la fin du XIXe siècle devant la station de chemin de fer. En l'an 2000, la place de la Gare qui voyait passer des milliers de voyageurs chaque jour, était devenue le second secteur commercial de Sucy. On y trouvait pharmacien, épicier, boulanger, horloger, opticien, libraire, hôteliers restaurateurs, fleuriste, agent immobilier, etc. Mais le petit marché forain du dimanche matin avait cessé récemment d'exister faute de clientèle suffisante.

 

 

Le marché du Mercredi et du Samedi matin

 

Si le marché couvert était, depuis 1965, l’une des grandes réussites de Sucy, ce n’était pas à cause de son architecture aussi banale que fonctionnelle, ou pour la beauté de son environnement complètement gâché. Mais il présente malgré tout beaucoup d’avantages. Il est bien placé, assez grand et peut s’étendre à volonté sur ses périphéries. L’accès s’y fait par diverses entrées et le stationnement des voitures ou des camions, sans être tout à fait satisfaisant, est encore possible. Clients et commerçants s’y côtoient dans un univers d’abondance où s’accumulent en toutes saisons des produits venus du monde entier.

 

 

 

Le Carrefour Manitot

 

Ici, les voitures venant par l’ancienne rue de Paris, devenue Jean-Moulin, doivent bifurquer à droite pour monter la rue Maurice-Berteaux qui mène au centre-ville. A gauche, on descend vers la chapelle Sainte- Jeanne de Chantal et la rue du Général-Leclerc en direction de Chennevières. En face, l’entrée sur les rues Michelet et Chevreul marque l’emplacement du portail grillé qui ouvrait jadis l’accès vers le château du Grand Val. C’est à la fois un carrefour routier hélas très fréquenté et un centre commercial bien achalandé qui a hérité du nom d’un ancien propriétaire du café photographié ci-dessus.

 

À 750 mètres seulement de la gare, là où se croisaient la rue Jean Moulin et le boulevard Louis Boon, plusieurs boutiques de détail s'étaient peu à peu installées autour du carrefour dit Manitot. Les habitants de l'ancien lotissement du Grand Val et ceux des pavillons occupant les parties basses de l’ancien parc Montaleau y profitaient des facilités offertes par ce commerce de détail[3]. Cela les dispensait, pour les courses quotidiennes, d'entreprendre vers le centre la rude remontée de la rue Maurice- Berteaux. Un peu plus haut, entre la Cité Verte, la Fosse Rouge et les Monrois, les promoteurs avaient ouvert en 1968 un authentique centre commercial. Édifié sur en plan circulaire, on l'appelait le Rond d'or. Il semble que l’absence d’homogénéité des populations desservies ait posé d'assez gros problèmes aux exploitants et que cela ait incité la plupart d’entre eux à quitter ces lieux[4]. Ce qui n'était heureusement pas le cas des commerçants bien intégrés autour ou à proximité de la place Sainte Bernadette, à la limite du quartier du Fort et à proximité de la Procession et des Trois épis. Ce ne l'était pas non plus pour les quelques commerces regroupés sur le petit centre commercial des Bruyères.

 

 

La concurrence du commerce sur grandes surfaces

 

Si les habitants appréciaient certainement de telles facilités d'achat à proximité de leurs domiciles, il apparaît que les détaillants n'étaient pas sans s'inquiéter, autant dans le présent que pour l'avenir. Depuis des années, ils subissaient les effets d'une inquiétante évolution dans les comportements de leur chalandise. La clientèle était très largement motorisée. Elle ne se considérait plus liée, comme jadis, à son environnement immédiat. Surtout si elle se croyait en mesure de trouver, pas trop loin de chez elle, un plus grand choix et des prix moins chers.

 

C'était hélas le cas. À quelques kilomètres à la ronde, il n'y avait pas moins de cinq Grandes surfaces[5] qui proposaient, aux Sucyciens comme à toute la population environnante, de vastes places de parking gratuites et des gondoles[6] remplies de produits à prix tirés, sinon cassés[7]. L'intérêt était triple. On y faisait, du moins en apparence, de bonnes affaires. On se donnait le plaisir factice d’entasser dans ces sortes de paniers roulants, appelés caddies, les marchandises les plus variées comme les plus inutiles, mais que l'on payait en une seule fois. Après avoir fait longuement la queue, il est vrai ! On profitait aussi des produits — pas tous indispensables —ou des services  — souvent onéreux —proposés à l'intérieur de vastes galeries marchandes, lieux de consommation mais aussi de flânerie, voire de distraction, dans un environnement pourtant assez artificiel, très mélangé et méchamment sonorisé.

 

Il est vrai que ces grandes surfaces, dites aussi Hypermarchés et Supermarchés, se trouvaient elles-même concurrencées localement, au moins pour le ravitaillement journalier, par des magasins multi-produits, aux dimensions plus humaines. C’était le cas d’Atac dans le centre du quartier du Fort, de Leader Price au Rond d’Or, de Franprix aux Bruyères et de Monoprix en limite du centre ville. Bien qu'offrant des gammes importantes d'articles, ils ne faisaient pas nécessairement tort aux commerçants traditionnels : boulangers pâtissiers, bouchers charcutiers, crémiers, épicier et poissonnier, restaurateurs, libraires, coiffeurs, fleuristes, opticiens, parfumeurs, photographes, horlogers, prêts-à-porter, chausseurs, cordonniers, etc. Il semble que ces petites grandes surfaces, dites aussi « Superettes » aient au contraire contribué à attirer sur place une clientèle locale dont profitaient finalement les boutiques voisines. Plus spécialisées, celles-ci étaient censées présenter des marchandises de meilleure qualité dans une ambiance quasiment villageoise.

 

Cela était-il suffisant ? Pouvait-on croire endiguer longtemps encore une évolution qui apparaissait à beaucoup comme inéluctable ? C’était aux Sucyciens eux-mêmes d'y répondre. Ce fut le sens de l'appel qui leur avait été fait en 1994 par Patrick Lanoiselez, propriétaire d’une boucherie chevaline et président de l’Association des commerçants du Centre :

« Le commerce est l'avenir de la ville. En achetant chez vos commerçants, vous défendez aussi l'emploi de vos proches. Avec la même somme d'argent dépensée chez un petit commerçant, vous lui permettez de faire travailler trois employés là où une grande surface n'en fait venir qu'un seul. Faire vivre son commerce, c'est faire vivre sa ville »[8].

 

Il n'avait sans doute pas été suffisamment entendu ou compris Avant même l’arrivée de l’an 2000, cet artisan détaillant aura malheureusement décidé de fermer sa boutique de la rue du Moutier pour se consacrer aux ventes sur les marchés publics du voisinage, y compris sur celui de Sucy...

 

 

 

 

 

La dernière ferme de Sucy

 

C’était l’une des deux fermes encore exploitées par la famille Le Coat. Ainsi que le précise l’affiche, le bâtiment principal se situait à l’angle de la rue de Boissy et de la place de l’Église. Il y a encore sur le mur une plaque « Vacherie suisse Blaser ».Ce document correspond à des installations agricoles annexes toujours en service à la fin du siècle. Le portail ouvre sur la vaste et précieuse esplanade, anciennement taillée sur un bloc de vieilles misons, face au château de Sucy.

 

 

Le centre commercial des Bruyères

 

Les Bruyères, c'est encore à ce moment Sucy-dans-les Bois. On s'y trouve aussi loin du centre de la commune que de celui de Boissy. Ce village résidentiel n'a ni mairie, ni gare. Seul l'autobus Situs le rattache indirectement à la grande agglomération parisienne. Ses habitants y disposent quand même d'une école, d'une chapelle (Notre-Dame des Bois) et d'un petit centre commercial, avec notamment une pharmacie. La vue ci-dessus a été prise à partir de la Sente Royale, chemin boisé et cyclable, qui relie le centre des Bruyères au Parc de Sucy et, de là, au Plateau.

 

 

La Halle du quartier du Fort

 

Le quartier du Fort pourrait avoir son propre marché. Cette halle, avec sa chaleureuse charpente en bois, très belle mais rarement utilisée, fait un peu honte au marché du Centre et à son béton tristement fonctionnel. Cette srtucture ne traduit pas seulement le retour nostalgique aux formes anciennes, assez caractéristique de cette époque. Le fait de son implantation au centre d'une zone d'aménagement, conçue et dirigée plus que concertée (Zac du Fort) , souligne magistralement le refus des Grands Ensembles sur ces lieux-mêmes qu’une quinzaine de projets gigantesques avaient failli défigurer entre 1968 et 1970.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’usine Saint-Gobain Desjonquères

 

La façade construite par la Sté ADNET n’a pas changé depuis 1918.

Il n’en est pas de même autour et surtout à l’intérieur

 

 

 


 

L'AVENTURE INDUSTRIELLE

sur les terres du Marais

 

 

 

T

ravailler à Sucy, c'était aussi s'employer dans des entreprises installées sur le territoire de la commune, mais dont l'activité ou les productions n'intéressaient qu'à peine ou pas du tout la clientèle locale. Il en existait de toutes les taille et dans tous les quartiers : bureaux d'études, cabinets d'architecture, entreprises générales de construction, ateliers d'imprimerie, poses de portes automatiques, gravures sur métaux, expertises comptables, etc. Mais l'essentiel de l'activité économique se concentrait à cette époque sur les terres de l'ancien Marais.

 

 

L’usine verrière de Saint-Gobain

et le centre industriel des Petits Carreaux

 

C'était précisément là, à proximité du port fluvial de Bonneuil, que s'était installée en 1917 la future usine Saint-Gobain – Desjonquères. En l'an 2000, c'était à la fois la plus ancienne et la plus importante des entreprises sucyciennes. A l'extérieur, elle accusait bien son âge. Tant et si bien qu’on aurait pu la croire inactive. Mais quant à ce qui se passait à l'intérieur, on a pu dire que « derrière des murs en briques rouges séculaires et vétustes se cache l'usine considérée comme l'une des plus modernes d'Europe en sa spécialité, la fabrication de flaconnages en verre pour l'industrie pharmaceutique »[9]. Ses trois fours, fonctionnant 365 jours par an et 24 heures sur vingt-quatre, produisaient 76 000 tonnes à l’année. Ce qui représentait trois millions et demi de flacons fabriqués chaque jour. En 1995, cet établissement faisait encore travailler 700 personnes. Cinq ans plus tard il n'en restait plus que 450, dont 100 seulement habitaient Sucy. Saint-Gobain n'était plus que le second employeur de la commune... après l'administration communale qui en dénombrait à elle seule 524.

 

Pas très loin derrière cette usine, sur la limite administrative séparant Sucy de Bonneuil, une ZAC[10] avait été créée dans les années 1970. Confiée à un aménageur privé, dénommée Sofibus et appartenant au groupe financier Hottinguer[11], elle porte le nom des Petits Carreaux. Tout en empiétant que pour une infime proportion de sa surface totale sur le territoire de la commune, elle avait attiré rue du Bouton-d'or un certain nombre d'entreprises non polluantes : machine à coudre, sérigraphie, réparation et maintenance informatique, études de constructions métalliques, appareils médicaux dentaires, matériels hydrauliques, câbles et fileries électriques, reproductions et imprimerie, composants électroniques, contrôle technique bâtiment, etc. Ce qui n'était pas sans intérêt pour les finances de la future Communauté d’agglomérations, tant qu’elle garderait la possibilité de tirer de ces industries des ressources fiscales non négligeables.

 

La « Maison du Marais »

 

Ce pavillon édifié la fin du XIXe siècle ainsi que les trois hectares de marais qui l’entouraient avaient été vendus, entre 1917 et 1918,  par le baron Hottinguer à la Sté Adnet, pour y construire  l’usine actuelle.

Il a échappé à la démolition. Mais, à considérer son état, on peut douter de son avenir ! 

La fabrication de verrerie pour laboratoires ayant été, depuis sa création, la principale production de l’usine de Sucy, on imagine l’avantage que la société propriétaire et la commune tireraient de la transformation de cette belle demeure quasi abandonnée en musée de l’industrie du flaconnage.

 

 

Les « Portes de Sucy »

 

La monumentale quoique discutable Pointe Mazda, construite en 1962 et démolie en 1989, a été remplacée par ce discret bâtiment mi-industriel, mi-commercial, mais dont la dénomination ne paraît pas tout à fait en accord avec l’apparence.


La SEMAES et les Portes de Sucy

 

L'extension des Petits Carreaux trouvait ses limites vers l'est, c'est-à-dire vers Sucy, par l'emprise d'une future voie, dénommée route départementale n° 60 ou Voie de desserte orientale. Cette autoroute ouverte depuis deux ans à la circulation, ne menait pas plus loin qu’à l’échangeur construit sur la route nationale n° 19. Mais au delà des terrains vagues mis en réserve à cet effet par les Domaines et jusqu'aux voies ferrées séparant le Marais de la partie résidentielle de la commune, s’étendaient la trentaine d’hectares formant le domaine de la SEMAES. C’est sous cet acronyme que la Société d'économie mixte pour l'aménagement et l'environnement de Sucy était connue du public Après le rachat récent des parts appartenant à des financiers privés, suivi d’une recapitalisation par le budget communal, cette société se trouvait dès lors contrôlée à hauteur de 52 % par la municipalité. Sur des terrains qu'elle avait achetés à leurs propriétaires et qu'elle avait viabilisés, la SEMAES s'efforçait depuis une dizaine d'années d'installer des entreprises sur quatre ZAC à vocation économique. Cette mission, rendue difficile depuis 1993 par les effets d'une grave crise de l'immobilier d'entreprise ainsi que par l'hostilité agissante de certaines administrations, se trouvait loin d'être achevée à la fin du siècle dernier[12].

 

Parmi les réalisations de la SEMAES, celle des « Portes de Sucy » était la plus voyante, donc la plus évidente. Situées à l'embranchement de la route de Bonneuil et de la rue de Paris[13], ces « Portes » se présentaient sous l'apparence de deux bâtiments modernes sans grâce excessive, mais apparemment fonctionnels[14]. On les avait gratifiés de dénominations aux curieuses consonances anglo-saxonnes : le Boston et le Pacific. Ils étaient en revanche desservis par des voies se référant à des découvreurs européens célèbres : Christophe Colomb, Magellan, Marco Polo. Un organisme dénommé lui aussi à l’américaine, le « Leader club », offrait aux entreprises commerciales ou industrielles installées sur place différents services communs comme la conciergerie, le traitement du courrier, un secrétariat trilingue, la maintenance technique.

 

Un promoteur avait récemment envisagé d'aménager, sur le parking situé derrière la gare, un Multiplex. Cela aurait correspondu à l'implantation de douze salles de cinéma avec 2 500 fauteuils dans un environnement de restaurants et de commerces. Ce projet s'était heurté à la décision d'une Commission nationale d'équipement cinématographique qui l'avait jugé trop ambitieux. Peut-être aussi trop concurrentiel vis à vis d’autres intérêts.[15].

 

 

La Sablière et la ZAC du Marais

 

À la même hauteur, mais de l'autre côté des voies de chemin de fer de Grande Ceinture, le parc de la Sablière avait longtemps végété. C'était, disait-on, à cause des prix trop élevés demandés par la SEMAES. Ses cinq hectares de terrains à lotir se trouvaient coincés entre les deux voies du RER. L'une menait à Boissy et l'autre permettait aux rames du Métro d'accéder au centre d'essais de la RATP (Régie autonome des transports parisiens). On y accédait par ce qui avait été jadis un modeste sentier campagnard, le Chemin Vert. Tout en gardant la même appellation, cette étroite sente était devenue à la fois une route de desserte industrielle et une voie de liaison entre le centre de Sucy et la route nationale n° 19. Mais il avait fallu auparavant dégager huit millions de francs en 1992 pour doubler le passage sous la voie ferrée.

 

Sur ce chemin s’embranchait à gauche une nouvelle voie en impasse, l’avenue de la Sablière. C'était le lieu de travail de près de 200 personnes. Elle servait d’adresse à une dizaine d'entreprises[16]. Que venaient-elles chercher dans ces lieux ingrats ? On peut citer le cas d'une société spécialisée en imprimerie et conditionnement de produits pharmaceutiques, cosmétiques et diététiques. Avec ses vingt employés, elle avait quitté Saint-Maur pour s'installer en 1999 à Sucy. Son dirigeant affirmait trouver ici un environnement de qualité ainsi que des accès aisés, tant par la route que par les transports en commun. Ce qui était, selon lui, « susceptible de répondre de manière optimale à l'augmentation souhaitée de ses moyens logistiques »[17].

 

En était-il de même sur les autres emplacements ? Tracé parallèlement au Chemin Vert, mais slalomant entre la voie ferrée au sud et des friches industrielles au nord, le Chemin du Marais desservait plusieurs zones d'activités. L'une correspondait à la rue de la scierie, le long de laquelle s'étaient installées plusieurs entreprises non polluantes, semblables à celles de la Sablière. Plus loin c'était la ZAC du Marais aux limites d'autant plus incertaines que la future Voie de desserte orientale (VDO) n'était toujours qu'un fantasme. Plus loin encore, jusqu'à la limite de Boissy-Saint-Léger, la route longeait des espaces tristes qui semblaient avoir été abandonnés à des activités lourdes et poussiéreuses telles que le négoce de matériaux de construction, l'entreposage de matériels de travaux publics et la vente de béton. Était-ce là ce qu’on appelait la ZAC du Triangle ? Bien difficile à dire ! On pressentait d’ailleurs que rien ne pourrait se faire dans ce secteur déshérité tant qu'une décision n'aurait pas été prise sur le prolongement de la VDO.

 

 

Le Petit Marais

 

Il était prévu que cette future voie autoroutière devait déboucher sur la route départementale 60, le long de laquelle s’alignaient les 3 ha de la ZAC du Petit Marais.

 

 

Longeant la rue de Paris cette zone présentait la particularité d'avoir été réservée à des activités de services. C'était aussi celle qui se trouvait la plus proche du port de Bonneuil. Une station de distribution d'essence en signalait l'emplacement à la limite de Sucy. C’était là que la rue des Amériques, protégée par un feu tricolore, s'enfonçait dans l'ancien Marais. Elle ne menait pas encore très loin. Seulement à une pizzeria portant le nom d'une chaîne de consonance italienne et à une hôtellerie moderne à prix doux qui visait la clientèle des zones d'activité de Sucy et de Bonneuil. En fin de semaine cette dernière accueillait aussi des provinciaux venus visiter Paris. Au delà, c'était le Marais inabordable et qui en apparaissait d’autant profond et mystérieux. Il restait encore 20 ha à vendre[18] !

 

Quel était en l'an 2000 le bilan de cette longue entreprise d'aménagement ? Les opinions étaient partagées. Incontestablement, le projet n'avait pas tenu ses promesses. En dix ans, il n'était parvenu qu'au tiers de son développement potentiel. Il avait donc pris du retard. Il devait être revu à la baisse. L'effort imposé avait été plus douloureux que prévu pour les finances municipales.

 

La mairie en avait souligné par contre les aspects positifs. Outre les 500 emplois créés, dont un certain nombre avaient bénéficié à des habitants de Sucy, la SEMAES avait financé sur ses fonds propres d'importantes et nécessaires dépenses, notamment en matière d'assainissement et de voirie. Une petite quarantaine d'entreprises d'ores et déjà installées avaient rapporté des sommes non négligeables. Elles représentaient en 1999 plus de 10 % du produit brut des taxes professionnelles sur l'ensemble de la commune. Le Maire affirmait que cette opération avait pour le moins rendu à la ville autant que ce qu'elle lui avait coûté. Il admettait cependant que cet échec relatif, même s’il voulait le tenir pour provisoire, avait quand même contribué à freiner depuis 1996 le programme municipal d'investissement[19].

 

 

 

Le « Leader Club »

 

Ce bâtiment fait partie des « Portes de Sucy 

.On y accède par la rue Christophe Colomb, représentée ci-dessus

qui longe elle-même le Chemin de Bonneuil situé en arrière.

 

 

 

 

La Mairie à la Haute Maison

 

Après diverses péripéties, la Haute Maison, illustrée à partir de 1893 par l’installation à Sucy de la famille Halévy, est devenue propriété de la Commune.

Le 26 janvier 1982, elle a été déclarée officiellement comme étant le nouveau siège de l’Hôtel de Ville.

La dégradation du badigeon ocré n’est pas le résultat d'un manque d'entretien, mais la conséquence du fort degré d'hydrographie des murs. Depuis vingt ans, l'investissement nécessaire pour y remédier n'a pas encore pu être engagé.


 

 

LA MUNICIPALITÉ ET SON BUDGET

 

 

 

C

haque année, l'établissement du budget était en effet l'un des gros soucis de la municipalité. On ne pouvait impunément être passé en cinquante ans d'une commune de 8 000 habitants à une ville trois fois plus peuplée. Il avait fallu d'abord emprunter pour aménager et faire fonctionner, puis rembourser en opérant une pression fiscale plus lourde chaque année. Où en était-on en cette fin de siècle ?

 

 

La dette

 

D'abord la Dette ! Selon les bases retenues, les chiffres divergeaient sensiblement. Ceux qui avaient été élus en opposition à la majorité municipale, l’avaient chiffrée en 1999 à 259 millions de francs[20]. Bien que contestant ce calcul, la mairie reconnaissait que les sommes dues par la communauté des citoyens étaient, depuis de nombreuses années, d’un montant supérieur à la moyenne nationale. Il en était paraît-il ainsi dans la plupart des communes situées à la périphérie des grandes agglomérations.

 

De même que ces autres communes endettées, et bien qu’ayant dû faire face comme elles à des efforts d'équipement très importants, Sucy n'avait pas pour autant bénéficié de facilités particulières. Mais il était souligné que cette dette diminuait régulièrement par le fait des remboursements, mais aussi de l'extinction des gros engagements conclus au début des années 80 pour financer le parc des sports et le lycée d'enseignement professionnel[21]. On le devait aussi à la modération des investissements effectués entre 1995 et 1997. L'enveloppe des nouveaux emprunts avait été limitée à une moyenne annuelle de 25 millions de francs, soit à peu près 1 000 F par habitant chaque année. C'était un peu plus que la moyenne du département, tout en étant considéré là aussi comme normal par les institutions financières. Au total, à la date du 1er janvier 2000 et quel que fût son âge, chaque Sucycien se trouvait endetté à hauteur de 8 612 F. Ce n'était d'ailleurs qu'une moyenne étant donné que plus de la moitié des 9 347 foyers fiscaux se trouvaient exonérés totalement (7 %) ou partiellement (46 %) du paiement de la taxe d'habitation par suite de revenus insuffisants[22].

 

 

Les dépenses de fonctionnement

 

Pour importante qu'elle ait pu apparaître, cette dette ne représentait pas énormément plus que les dépenses de fonctionnement prévues pour l'année 2000. On les évaluait entre 189 et 203 millions de francs dont près de la moitié pour la rémunération des personnels communaux. Le reste servant à assurer des charges de gestion courante (10%), à pourvoir à l'enlèvement des ordures ménagères (7 %), mais aussi à régler les intérêts de la dette aux organismes prêteurs (13,72 %)[23]. C'est surtout cette ponction de plus de 1 million de francs chaque mois — soit autant que les subventions versées chaque année à 119 associations sucyciennes — au profit des "rentiers de la finance" qui était la plus mal perçue et donc exploitée au passif de la politique municipale. Et pourtant ! Depuis la fin du XIXe siècle, c’est le recours de plus en plus massif au crédit qui seul avait permis de développer la ville et, à la population, d’accéder à qu’on appelait à la Belle époque  le « confort moderne ».

 

En outre 15 millions de francs, soit 8 % des dépenses de fonctionnement étaient régulièrement prélevés pour assurer l'autofinancement de la commune. Ils étaient en fait virés sur les comptes du budget d'investissement. Ajoutés à diverses dotations ou subventions, mais aussi affectés à de nouveaux emprunts, ils permettaient notamment de rembourser le capital des sommes empruntées, d'acheter du matériel, d'entretenir le patrimoine, de financer des opérations nouvelles ... y compris à crédit. C'est ainsi que sur le budget de l’année 2000, 4 500 000 F avaient été votés par le Conseil afin d’édifier un centre municipal pour la jeunesse sur les terrains de la Haute Maison[24].

 

 

Les recettes

 

Comment et avec quoi ces dépenses se trouvaient-elles compensées ? Les Recettes perçues par la ville pour l'utilisation de ses équipements (piscine, conservatoire de musique, centre culturel, médiathèque, cimetière, etc.) ne représentaient que 5 % du budget. Les autres produits de gestion courante (revenus des immeubles) ou exceptionnels (aliénation de biens immobiliers) n'assuraient que 3 % des entrées. Pour le reste, l’État admettait d’en couvrir un peu moins de la moitié, soit 42 %. C'est ce qu'on appelait la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Cela revenait à transférer forfaitairement à la commune une toute petite partie du total des sommes perçues par le fisc au titre de l'impôt sur le revenu, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), etc.

 

Tout cela ayant été engrangé, il manquait encore une centaine de millions de francs qu'il fallait prélever sur le contribuable local. Dans quelles conditions ? C'était aux conseillers municipaux qu'il convenait d’entériner la décision du Maire en fixant les parts respectives des prélèvements attribués aux quatre taxes locales : habitation, foncier bâti, foncier non bâti, professionnelle.

 

La Taxe d’habitation était celle qui était la plus mal supportée par la population. C’était dû au fait qu'on avait atteint à Sucy des taux très supérieurs à la moyenne départementale. À cause de cela, à cause aussi des valeurs locatives établies par les services fiscaux en 1970 sur des comptes locatifs plus larges qu'ailleurs, il a pu être soutenu —à tort vraisemblablement — que chaque locataire ou propriétaire habitant sa maison aurait payé, à ce titre et en valeur, l'impôt le plus élevé du département[25]. En fait, le produit moyen annuel n'était — si l'on peut dire — que de 4 072 F par foyer fiscal en 1995 : quatre fois plus qu'à Chevilly, deux fois plus qu'à Saint-Mandé ou qu'à Bonneuil, mais un peu moins qu'à Villiers-sur-Marne, Villeneuve-Saint-Georges ou Villeneuve-le-Roi[26]. Cela avait par contre l'avantage de rapporter 45 millions de francs, soit 40 % du produit fiscal et de couvrir presque le quart des dépenses de fonctionnement.

Les propriétaire, résidant ou non, étaient relativement mieux traités ici que dans d’autres communes voisines. Certes et comme partout ailleurs, ils devaient régler en plus une Taxe sur le foncier bâti. Mais le taux d'imposition était à peine plus élevé que celui relevé en moyenne dans le département du Val-de-Marne, tout en rapportant quand même à la municipalité 30 millions de francs, soit 27 % du produit fiscal et 15 % des dépenses de fonctionnement.

 

En comparaison de ces deux taxes, celle pesant sur le foncier non bâti pouvait presque apparaître comme insignifiante. Même si la commune de Sucy était classée à ce titre comme l'une des plus chères du Val-de-Marne, elle ne prélevait qu’un tout petit million de francs représentant 1 % seulement du produit fiscal.

 

C’était le contraire pour la Taxe professionnelle. Bien que la commune de Sucy ait eu la réputation d’imposer une fiscalité moins lourde qu’ailleurs, cet impôt relativement récent générait des rentrées dont le montant, loin d’être négligeable, se situait entre la taxe d’habitation et la taxe sur le foncier bâti. Une telle modération à l'égard des entreprises a eu, semble-t-il, l'avantage de ne pas faire fuir les commerçants installés à Sucy et même d'y attirer de nouveaux industriels. C'est ce qui avait permis de pas pousser la pression fiscale sur les habitants au delà des limite du raisonnable, et même, en l'an 2000, d'en baisser les taux, pour la première fois depuis longtemps, d'un petit 1 % [27].

 

 

 

La Haute Maison est photographiée sur le côté donnant accès au parc du château.

De ce parc, jadis étendu, ,il ne reste que cette cinquantaine de mètres de pelouse arborée longeant la rue Georges Pompidou (Président de la République entre 1969 et 1974).

L’essentiel du travail administratif et gestionnaire s’effectue dans le bâtiment voisin, fait de briques et de béton. C’est un héritage du temps où ces lieux étaient occupés, de 1945 à 1975,  par la CIMADE en tant que centre d’accueil pour réfugiés étrangers.


 

 

.

Le commissariat de police de Sucy

« Dites-le avec des fleurs ! » 

 

Bien qu’occupant une situation géographique tout à fait excentrée sur le territoire de la circonscription de police dans laquelle elle est englobée, la commune de Sucy a encore « son » commissariat

 

 

 



[1] Dépliant établi en mars 1994 par l'Association des commerçants du centre (ACAVIS) à l'occasion d'une semaine commerciale dans le centre ville (collection privée).

[2] AM, Sucy info, n° 170, octobre 1997 ; n° 176, décembre 1998.

[3] A M, Sucy Info, n° 153, février /mars 1994.

[4] On en affectera quelque temps plus tard une grande partie à des activités sportives, artistiques et culturelles susceptibles d'intéresser les jeunes gens de ce quartier.

[5] Carrefour à Créteil (Le soleil), à Chennevières-Ormesson (Pince-Vent) et à Pontault-Combault   Rallye à Boissy-Saint-Léger — Leclerc à Bonneuil.

[6] On désigne ainsi les rayons mobiles sur lesquels sont empilés les produits placés en libre-service à la disposition des acheteurs.

[7] Cela leur était d'autant plus facile qu'ils tiraient avantage de ce qu'on appelait la « mondialisation du commerce ». Les acheteurs ne voyaient pas plus loin. Ils ne cherchaient pas trop à savoir comment, dans quelles conditions, à quels prix et par quelles sortes de main d’œuvre ces marchandises étaient produites, ou si ce commerce inégal pourrait durer longtemps encore. Ils ne voulaient pas non plus comprendre que ces achats intéressants avaient une autre conséquence : la fermeture des instruments de production dans leur propre pays. Rares étaient à cette époque ceux qui ont dénoncé cette sorte de course à  l'abime !

[8] AM , Sucy info, n° 155, septembre 1994, page 12 et 13.

[9] AM, Sucy info, n° 186, juillet 2000, « Saint-Gobain : l'entreprise phare de Sucy ».

[10] Une zone d'aménagement concerté (ZAC) était une zone dans laquelle la commune ou un établissement public intervenait pour réaliser l'aménagement, les équipements de terrains en vue de les vendre ou de les louer à des utilisateurs publics ou privés pour l'habitat, le commerce, l'industrie, le tourisme, les équipements collectifs, etc.

[11] Ce groupe portait le nom du baron Hottinguer, propriétaire du château du Piple, situé à la limite des communes de Boissy et de Sucy,  ainsi que de très nombreux terrains à Sucy et dans le Marais.

[12] Voir Nouvelle Histoire de Sucy-en-Brie, tome IV, Le XXe siècle, chapitre 13 rédigé par Henri BOULET, pages 458 et suivantes.

[13] Les gens du pays ont longtemps appelé ce lieu « la pointe Mazda », car un centre d'expédition et de stockage appartenant à la compagnie des lampes Mazda, très ancienne fabrique de lampes et d'appareils d'éclairage, avait été installé sur ce lieu entre 1962 et 1990.

[14] Une large rue centrale et couverte permettait d’accéder, de part et d’autre, à des ateliers de grands volumes se trouvant en liaison directe avec les étages de bureaux.

[15] AM, Sucy Info, n° 185, avril 2000.

[16] AM, Délibérations, 22 juin 2000. L'ensemble était à ce moment totalement commercialisé à l'exception d'un dernier terrain de 4 000 m².

[17] AM, Sucy Info, n° 184, février 2000.

[18] AM, Délibérations , 22 juin 2000, rapport n° 2000–147/1.

[19] AM, Sucy Info, n° 177 , février 1999, page 7 ; AM, document rédigé par Jean-Claude Amsler, adjoint au maire de Sucy, délégué aux transports et aux finances.

[20] AM, Sucy Info, n° 181, octobre 1999, page 21.

[21] AM, Sucy Info, n° 179, juin 1999, page 6.

[22] AM, Sucy Info, n° 186, juillet 2000, page 9.

[23] AM, Sucy Info, n° 186, juillet 2000, compte-rendu du conseil municipal du 30 mars 2000, page 38 et suivantes.

[24] AM, Délibérations, rapport n° 2000 - 301.Cette dépense sera d’ailleurs transfèrée l’année suivante pour financer une autre forme d’action consacrée à la jeunesse

[25] Le Parisien, 7 novembre 1995

[26]AM, Sucy Info  1995.

[27]AM, Sucy Info, n° 186, juillet 2000, page 8.