Société Historique

et Archéologique

de Sucy-en-Brie

 


ÉDOUARD GARCIOT

Maire de Sucy-en-Brie de 1919 à 1942

Un maire géomètre

et une belle figure de magistrat municipal

 

Par Georges CARROT

Société historique et archéologique de Sucy

 

Etude publiée dans CLIO 94

Bulletin du Comité de liaison des sociètés d’histoire et d’archéologie du Val-de-Marne

L’action municipale dans le Sud-Est Parisien

N° 23, 2005

 

Les origines

 

Édouard Garciot est né à Sucy en 1861, c’est-à-dire au milieu du règne de Napoléon III. Son grand père, qui était originaire de l’Yonne, s’y était établi dans les débuts du XIXe siècle. Simple journalier, son mariage avec une demoiselle appartenant à une bonne famille du pays avait facilité son intégration dans cette commune alors rurale où tout le monde se disait peu ou prou vigneron.

 

Son petit-fils Édouard – le futur maire - réussira à à parfaire cette montée dans l’échelle sociale. C’était un exemple typique de ces ces jeunes ruraux qui, au prix de travail, de sacrifices et de rigueur, parvenaient à réaliser un bon parcours scolaire. Cela lui permit de se faire engager par le géomètre installé à Sucy. Il entrait ainsi dans  l'une des plus vieilles études de France. Signe évident de sa réussite professionnelle, il parviendra plus tard à acquérir la charge en en payant le prix à la succession.

 

Édouard Garciot avait épousé une institutrice. Selon les souvenirs familiaux, il s’agissait « d’une femme de tête qui avait l'oeil partout et épaulait beaucoup son mari ». Ce qui n’est pas négligeable quand on est tant soit peu ambitieux. Loin de  rejeter ses ascendances, lui-même avait tenu à demeurer un terrien. Il possédait d’ailleurs ses propres vignes et utilisait le pressoir installé dans sa maison.

 

Les debuts de l'homme public

 

Devenu une sorte de notable, c'est tout normalement, en 1896, qu'il se trouve en quelque sorte coopté au conseil municipal. Il entre en politique à une époque où les choses commencent à bouger. Dans les vingt années à venir, la population de ce modeste bourg de moins de 1500 habitants va augmenter dans des proportions encore inimaginables à cette époque. Édouard Garciot fait d’abord partie de la commission municipale scolaire. Il y est à son aise dans un moment où est envisagée la construction d’une nouvelle école.

 

Mais c’est surtout en tant qu'adjoint unique qu'il se distinguera, à partir de l’été 1914, en partageant avec le maire Albert Paul Perrault, les responsabilités d'une commune en guerre. Tous deux ont eu à faire face, dans tous les détails de l’administration d’une petite commune de 3000 habitants et résidents, aux conséquences de ces premières et vraies ruptures avec le XIXe siècle que sont :

- la pénurie d'énergie (Il n’y a plus de charbon car les mines du Nord sont occupées par les troupes allemandes) ;

- la rareté et la cherté de la main-d'œuvre (Les agriculteurs sont mobilisés) ;

- l'inflation sans frein et le recours au crédit public (La monnaie se déprécie et il faut emprunter);

- la hausse constante du coût de la vie (Les prix augmentent 200 % en quatre ans de guerre) ;

- les restrictions mises à l'achat de produits, de services ou de marchandises (Les produits locaux sont réquisitionnés et il faut distribuer des tickets de rationnement) .

- les débuts de l'industrialisation (installation d’une usine de verrerie en liaison avec le nouveau port de Bonneuil).

Sans compter la nouvelle fiscalité : L’impot sur le revenu, dont le principe avait été voté en juillet 1914, est levé pour la première fois en 1917, à des taux d’ailleurs très raisonnables se situant entre 2 et 12,5 %).

 

Quand la Grande Guerre s’achève, le Conseil municipal, pourtant renouvelé aux deux tiers dans le sens d'un rajeunissement, désigne unanimement Édouard Garciot  pour remplacer le maire démissionnaire.

 

Ainsi commence pour lui une nouvelle existence. Il a plus de soixante ans. Pour le quart de siècle qu’il lui reste à vivre, la confusion va être désormais totale entre sa vie privée et sa vie publique. Il se fait adresser le courrier de la mairie à son domicile. il y répond lui-même, à la main et de façon très personnalisée. Pour traiter des questions municipales, c’est chez lui qu’il reçoit. Déchargé par son fils de la marche quotidienne de l’étude de géomètre, il peut se consacrer totalement à sa commune. Ceux l’ayant connu confirment qu’il leur est toujour paru animé par l’idée que servir était un honneur.

 

L’ACTION DU NOUVEAU MAIRE ENTRE LES DEUX GUERRES

Ce n’était pas et ce ne sera jamais plus - si cela ne le fût jamais - une charge facile. Certes la France a gagné la guerre. Mais elle en sort quasiment ruinée. Entre avril et décembre 1919, le Franc a perdu sur le marché des changes le tiers de sa valeur. Ce que l’on avait payé 100 F en 1914, vaut près de 400 F en 1920. La progression du budget municipal est spectaculaire. Et pas seulement par l’effet de l’inflation.Il faut aussi pourvoir à des besoins jusque là inconnus. D’où des charges nouvelles en personnels à embaucher et en crédits à trouver pour satisfaire des administrés devenus plus exigents qu’avant.

 

Les problèmes d’après guerre à régler

 

Sucy n’est pas épargné par le chômage qui a frappé l’économie française dès la fin de la guerre. Il n’existait à cette époque aucune procédure d’indemnisation pour ceux qui se retrouvaient sans travail . Si les chômeurs pouvaient espèrer quelques secours, ce n’était que d’organismes charitables ...et de leur commune.

 

Quant au mouvement d'urbanisation, déjà largement amorcé à la « Belle Epoque » d’avant-guerre, il s’est remis en marche. S'il n'y a heureusement rien à reconstruire à Sucy du fait de guerre, il y a par contre énormément de place pour bâtir. Édouard Garciot avait déjà une longue expérience en matière d’administration municipale. Sa profession de géomètre va lui permettre de gérer dans les meilleures conditions l'évolution immobilière et les constructions scolaires qui en découlent.

 

Il y a plus grave encore. Beaucoup de gens n’ont même plus la possibilité de « gagner leur vie », comme on disait alors. Et quand on est malade, comment se soigner ? L’assistance médicale gratuite ne résout pas tout. Il faut aussi apporter des aides concrètes à ceux que l’on désigne sous l’appellation administrative d’indigents. La municipalité le fait sans générosité excessive et en appliquant les instructions ministérielles. Mais elle le fait scrupuleusement.

 

La population, l’ancienne aussi bien que la nouvelle, n’est pas sans souffrir de l’évolution du coût de la vie. Une expression revient fréquemment dans les délibérations du Conseil municipal : «  ..devant l’augmentation de toutes choses… » . En dépit de ses propres difficultés, la Commune s’efforce, dans la mesure de ses moyens de remédier aux situations les plus criantes.

 

L’évolution de la vie politique

 

La seconde élection municipale d’après-guerre a lieu en 1925. Malgré la présence d'une liste socialiste, la liste présentée par Édouard Garciot passe sans problème sous l'étiquette passe-partout de « Républicains de gauche ».Il n’en sera plus de même par la suite. À la gestion de bon père de famille prônée par Édouard Garciot, les partis de gauche reprochent une conception sociale de leurs responsabilités trop étriquée. Ils l'attaquent principalement sur sa politique scolaire, où tout un chacun ést susceptible de trouver des raisons de plainte.

 

La liste Garciot sera encore réélue en 1929 avec une majorité très honorable. Mais ce n'est déjà plus, comme jadis, une élection de notables. Les socialistes et surtout les communistes, avec une liste ne comprenant que des ouvriers groupés sous le titre de « Bloc ouvrier et paysan », séduisent un gros tiers des 1346 électeurs inscrits.

 

Six ans après, en mai 1935, Édouard Garciot décide lui aussi d’introduire trois ouvriers sur une liste où ils côtoient deux cadres et neuf patrons. Le scrutin lui est une fois de plus  la quatrième et dernière favorable. Cela tenait en grande part à la bonne opinion que la population avait de son Maire, généralement considéré comme prudent et avisé. Alors que la commune voisine d'Ormesson, de composition sociale assez identique - mais peut-être moins sagement gérée - venait de se donner un maire communiste.

 

D’ailleurs, aux élections législatives de 1936 comme aux cantonnales de 1937, c’est le vote communiste qui l'emporte ici assez largement. Sur ce point, le cas de Sucy n'était pas original. Située la lisière de ce que l'on appelle « la banlieue rouge » qui englobe à ce moment les deux mairies communistes de Bonneuil et d'Ormesson, la commune abrite désormais une population ouvrière assez importante. Elle est employée, soit à la verrerie de Sucy, soit dans les usines voisines de Bonneuil, Créteil, Villeneuve-Saint-Georges, Champigny, Choisy-le-Roi, et un peu plus loin encore. Comment les Sucyciens auraient-ils pu échapper à ce mouvement, de renouveau social, qui ébranlait alors toute la France.

 

Les problèmes sociaux des années d’avant-guerre

 

Le chômage notamment, qui avait beaucoup régressé au début des années trente, est redevenu une charge pesant lourdement sur le budget communal. Les moyens ordinaires ne suffisent plus. La Commune doit contracter des emprunts de plus en plus importants pour assurer sa part dans le montant des aides versées aux chômeurs de Sucy.

 

Il n’était pourtant pas question de secours systématiques. Le 14 mars 1935, la commission municipale des finances ayant conclu à l’impossibilité de répondre favorablement aux revendications des chômeurs, la tension en séance est sans doute assez forte pour que le maire, Édouard Garciot, quitte la salle[1]. Il s’agit d’un dossier crucial dans la résolution duquel s’opposent les conseillers gestionnaires, qui ont le souci de ne pas trop déséquilibrer le budget municipal, et ceux plus enclins à venir – quel qu’en soit le coût - en aide aux personnes en difficulté.

 

En 1936, les 400 ouvriers et employés de l'usine d'exploitation verrière de la Brie, filiale de Saint Gobain - la plus importante entreprise de Sucy - s’enferment à l’intérieur de leurs lieux de travail. Ils font la grève « sur le tas »  Un comité est formé. Il adresse à la Municipalité une demande de subvention. Le Conseil se garde bien de voter une motion de soutien. Mais il vote une subvention communale de 1500 F au profit du comité, tout en s'en remettant à lui du soin de distribuer ladite somme « aux grévistes nécessiteux et à leurs familles »[2].

 

L’achat du château de Montaleau

En dépit de toutes ces difficultés, Édouard Garciot n’hésite pas à engager la Municipalité dans une dépense d'une ampleur exceptionnelle. Il s'agit de profiter d'une occasion à ne pas laisser passer : la mise en vente aux enchères de l’un des cinq châteaux de Sucy. Celui de Montaleau, de ses dépendances et de son parc de huit hectares entièrement clos.

 

Idéalement situé au centre de l'agglomération, le bâtiment pourrait facilement être  aménagé en une spacieuse et prestigieuse mairie. C’est devenu nécessaire pour gérer dans de meilleures conditions une commune en voie d’atteindre le chiffre de 7000 habitants. Dans le parc, il serait également facile de dégager des espaces pour construire la nouvelle Poste si longtemps attendue. Enfin, la percée d’ouvertures dans le mur d’enceinte permettrait de désenclaver les quartiers situés en contrebas

 

 

 

Le château est finalement adjugé en juillet 1937, pour une dépense totale, avec les frais, de 735 000 F. C'est une excellente affaire. Et l'on perçoit très bien dans les documents d'archives la fierté de ces bourgeois républicains et surtout leur impatience d'emménager au plus vite dans l'un de ces illustres édifices, d'où les châtelains avaient jadis exercé une domination, au mieux paternelle, sur la petite société villageoise d'antan.

 

Dans sa hâte d'en finir et sans attendre l'aide des ministères, le Conseil décide d'emprunter. Les générations à venir paieront le capital et les intérêts, mais avec des francs très dépréciés. En vrai visionnaire et bon administrateur, Edouard Garciot a jeté les bases du Sucy moderne, agglomération de banlieue certes, mais ouverte aux arbres et aux espaces verts.

 

 

LA GUERRE ET L’OCCUPATION

 

Tous ces beaux projets vont se trouver obligatoirement retardés. Le vendredi 1er septembre 1939, l'ordre de mobilisation générale est affiché à Sucy.

 

La guerre

 

En ces premiers mois de « drôle de guerre », Édouard Garciot a beaucoup d'autres préoccupations. Il lui faut satisfaire, avec des crédits insuffisants, les demandes des chefs d'unités militaires qui passent ou séjournentt à Sucy. Il doit aider les familles de mobilisés et trouver de l’occupation pour une soixantaine de chômeurs, en contrepartie des secours qui leur sont versés. Il en affecte une partie à des travaux de défense passive.

 

La situation va encore se compliquer à partir du mai 1940. On commence à voir dans le ciel des avions à croix noires. Signe que la gerre entre dans une phase nouvelle, l’artillerie anti-aérienne installée dans le fort de Sucy commence à se faire entendre. Elle était jusque là étrangement silencieuse. Sur les routes voisines menant vers le sud, se pressent des Belges et des Français fuyant les régions envahies. Beaucoup d’entre eux décident de s’arrêter là. Il faut les aider.

 

Le 13 juin, c’est le territoire de Sucy qui se trouve à son tour pendant quelques heures sur la ligne de front. Les fantassins de la 11e division, dite « de fer » y fait un bref arrêt . Au cours de la nuit suivante, ils poursuivent leur marche en retraite. Les uniformes de la Wehrmacht victorieuse ne feront une fugitive apparition à Sucy que trois jours plus tard.

 

Les débuts de l’Occupation

 

Le maire, qui avait suivi au dernier moment l’exode de sa population, rentre à Sucy le 18 juin 1940. Dans les quelques jours précédant l'armistice, signé le 22 juin, Édouard Garciot doit faire face à une situation aussi peu commune qu'extrêmement délicate. Certes, la guerre était passée sur Sucy sans y endommager le moindre immeuble. Si beaucoup de ses administrés étaient partis sur les routes du Midi pour fuir l’envahisseur, par contre de nombreux réfugiés venus du nord avaient préféré s’installer provisoirement à Sucy. Ils n’y disposent d'aucun moyen d'existence. Faute d'essence, les voitures ne circulent plus. Les circuits du commerce ainsi que les communications sont interrompus.

 

Au 16 août 1940, la mairie de Sucy recense, réfugiés compris, une population de 7200 habitants. Le problème de l'heure, c'est l'alimentation. Pour le régler, il faut user d’expédients sans trop se soucier de leur régularité.

 

Un mois et demi plus tard, les conditions se seront nettement améliorées. La Préfecture a repris, au nom du nouvel État français, l'exercice de ses attributions administratives du temps de la République, avec toutefois les adaptations nécessaires aux conditions particulières d'un département désormais soumis au régime de l'occupation militaire.

 

 

Commune de Seine-et-Oise, Sucy se trouve englobée dans l'un des cinq districts découpant la zone occupée, dont le siège est à Saint-Germain-en-Laye. La Feldkommandantur départementale qui lui est rattachée s’est installée à Saint-Cloud. L'Orstkommandantur logée au château d'Ormesson dépend de cette structure purement militaire par l’intermédiaire de la Kreiskommandantur placée au niveau de la sous-préfecture de Corbeil.

 

La mission des officiers ou sous-officiers mis à la tête de ces Kommandanturen n’est pas d'intervenir directement dans l'administration locale. Leur mission est seulement de se tenir en liaison avec la hiérarchie locale des fonctionnaires français, de les surveiller, de leur transmettre les décisions du commandement supérieur et d'en contrôler l'exécution.  Ceux fixés à Ormesson n’ont remplis – à Sucy du moins – qu’un rôle de liaison administrative. Cela a concerné essentiellement les cantonnements militaires et les travaux d’aménagement à exécuter dans le fort.

 

Les choses se compliqueront à partir de 1942, avec notamment l’implantation en France de services relevant directement des ministres du Reich en matière de police, de production industrielle et surtout de recrutement de main d’oeuvre. Mais ce sont des problèmes qu’Édouard Garciot n’aura pas le temps de connaître et dont le poids assez considérable retombera hélas sur son successeur improvisé, Célestin Gachet.

 

Le maire d’une commune en zone occupée

 

Au moment où Édouard Garciot aborde en ce malheureux été 1940 cette dernière et délicate partie de sa vie, il a soixante-dix-neuf ans. C’est incontestablement un beau vieillard. Physiquement, il ressemble au Clemenceau de 1920. C’est le Père au sens le plus noble du mot. On sent bien qu’à aucun moment ne l’a effleuré l’idée de se démettre, d’abandonner ses responsabilités. Son âge le lui aurait permis. Mais le sens du devoir est aussi l’une des vertus de cette époque.

 

A la différence de ce qui s’était souvent passé ailleurs en septembre 1939, par exemple dans les communes voisines de Noiseau, de Bonneuil, de Limeil-Brévannes ou d’Ormesson[3], le gouvernement Daladier n’avait pas estimé politiquement nécessaire de suspendre la municipalité sucycienne élue pour six ans en 1935. Le gouvernement de Vichy a fait de même. Le 11 avril 1941, un arrêté préfectoral maintient Édouard Garciot dans ses fonctions de maire et confirme ses deux adjoints. Une autre décision nomme un troisième adjoint et désigne six nouveaux conseillers municipaux. Parmi eux figure une représentante des familles nombreuses. C’est la première fois, dans toute l’histoire de la communauté municipale qu’une femme est appelée à participer aux responsabilités. Il s’agit de, Mme Eugénie Perruchet qui prend la charge les œuvres privées d’assistance et de bienfaisance nationale[4].

 

Le plus important en ces temps difficiles est bien de préserver malgré tout, à chacun et au quotidien, les conditions d'une existence aussi normale que possible. Il faut que les distributions d'eau, de gaz et d'électricité continuent à être assurées, que la cité demeure propre et salubre, que les bâtiments publics, notamment les écoles, soient chauffés.

 

Il faut aussi prendre la charge de services inconnus jusque-là. C’est le cas de la gestion des cartes d'alimentation, de charbon et de textile ; de la répartition des bons d’achat pour des produits rationnés tels que pneus de bicyclettes, vêtements, chaussures, etc.

 

Toutes ces activités ont généré, non seulement sur la demande des administrations départementales et centrales, mais aussi des autorités allemandes, des travaux statistiques concernant l'économie locale, les productions, la population, etc. Ces recherches ont dû paraître bien fastidieuses à ceux qui les ont réalisées. Elles constituent maintenant, pour les chercheurs, une source documentaire incomparable sur les ressources de la commune, à cette époque charnière entre l’avant et l’après guerre. Même si on doit considérer que les résultats en ont été volontairement faussées, en plus comme en moins, pour des raisons bien évidentes de protection de la population.

 

Les réalisations municipales

 

Le présent assumé tant bien que mal, il était essentiel de ne pas hypothéquer le futur et même d'en ouvrir les voies. Les grands travaux d'assainissement des marais, pour la réalisation desquels la commune s'est endettée[5] n'avaient pas que l'avantage de procurer du travail. La municipalité n'a pas hésité à participer aux dépenses d’installations sportives qui bénéficiaient, il est vrai, de subventions de l’État à hauteur de 80 %[6].

 

La municipalité se devait d'améliorer, autant que possible, la situation précaire dans laquelle les événements avaient plongé de nombreux habitants. La mise sur pied de chantiers pour employer les chômeurs n'était que l'une des formes de cette politique d’intervention contre le malheur. Dès l'hiver 1940, elle avait financé des travaux d'assainissement sur des lotissement. En 1941, elle a aidé des associations syndicales des propriétaires.

 

Le Secours National avait été créé par la loi du 4 octobre 1940. La municipalité lui a apporté une aide financière assez importante en subventionnant plusieurs de ses activités. Cet organisme gérait entre autres la cantine scolaire ouverte à tous les écoliers, y compris ceux des écoles privées, ainsi que la cuisine d'entraide. De son côté, la municipalité faisait ce qu'elle pouvait, en assistant les familles les plus gênées, et en adressant tous les mois un colis à chacun des PG de la commune.

 

Le 23 mai 1942, Édouard Garciot décède brutalement. Il avait 81 ans. Sur proposition du sous-préfet de Corbeil, le préfet « nomme M. Gachet Célestin – jusqu’ici son premier adjoint - maire de la commune de Sucy-en-Brie. » Son premier acte en tant que maire de Sucy est d’exalter le souvenir de son prédecesseur dont il rappelle qu’il était en place depuis vingt trois ans :

« Vous n'ignorez pas - dit-il - les mille difficultés de l'administration actuelle, difficultés que notre maire avait toujours résolues avec une opiniâtreté, un dévouement sans borne et, surtout, avec une compétence rare qui était sa première qualité et était si précieuse pour nous tous »

 

Dans la foulée de ce beau satisfecit et à l'unanimité « le Conseil décide de donner le nom de "Édouard Garciot " à la rue actuelle de Montaleau ». C’est justement le nom de ce château qu’il avait contribué, plus que d’autres, à faire entrer en 1937 dans le patrimoine communal

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Au moment où disparaît Édouard Garciot, l’Occupation allemande n’en est qu’à ses vingt-deux premiers mois. Par comparaison avec les deux années qui allaient suivre, les deux premières n’avaient pas été les plus difficiles. Le sort de la guerre était encore en suspens. Bientôt les passions vont s’exacerber. C’est à son successeur qu’il est revenu de prendre ce délicat relais. Il s’y est engagé sans sortir des voies sages et prudentes tracées par Édouard Garciot.

 

 Quoiqu’on ait pu en prétendre, il faut reconnaître que ces deux notables n'ont jamais perdu de vue les intérêts de la commune et de ses habitants. Mes recherches historiques approfondies dans les archives municipales et départementales me permettent d’affirmer que, tout en s'efforçant d'apporter des solutions humaines aux graves problèmes du présent,ces deux hommes ont toujours essayé de ménager l'avenir et surtout de le préparer.

 

Leur en a-t-il été tenu compte ? Sur le moment ou par la suite ? Le 25 août 1944, Célestin GACHET a transmis pacifiquement ses fonctions au Comité de Libération. Il n’a pas eu à connaître les affres de l’épuration. Pourtant aucune voie de Sucy ne perpétue son souvenir.et ne rappelle les services rendus par lui dans les conditions bien particulières de l’époque.

 

Et si le nom d’Edouard GARCIOT est encore une adresse, ce n’est plus celle de la rue prestigieuse menant du Centre de la ville à la Gare, C’est une simple Promenade tracée dans le parc de « son » château. Aucun habitant de Sucy n’aura jamais l’occasion de s’y référer et de rappeler incidemment la mémoire d’une belle figure de magistrat municipal.

 

[1]

 

GEORGES CARROT

(SHAS)°

 


 



 



SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

 

Archives départementales des Yvelines (Versailles)

Archives municipales de Sucy-en-Brie

 

G. CARROT (sous le direction de) Nouvelle histoire de Sucy-en-Brie, tome IV, Le vingtième siècle, 1914-2000, SHAS, 2001.

B. ZARKA, Sucy-en-Brie, 1920-1945, Le Petainisme. Une parenthèse ? Thèse Histoire, Sociétés Civilisations, Université Paris VIII, Vincennes, novembre 1993

 

NOTES

 

1 Archives mun., 2 D, 14 mars 1935, rapport de la Commission des finances sur les demandes des chômeurs.

2 Archives mun., Délibérations, n°812, 9 juin 1936.

3 Arch.dép. des Yvelines, 1 W 221, décret du 26 septembre 1939.

4 Arch.dép. des Yvelines, 1 W 221.

[5] Archives mun, Délibérations n° 308, 2 mars 1941, et n° 401, 5 août 1942.

[6] Archives mun, Délibérations n° 385, 23 avril 1941.