Sucy, points d’Histoire
Lettre
mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie
(SHAS.FR)
N°33 - avril 2022
En « 1 » est représentée une grande demeure (à
l’emplacement du futur château) et un terrain important bordé au sud par la rue
de la Croix [actuelle rue de Boissy], à l’est par celle du Four à Chaux [rue Lacarrière]
et au nord par (en « 2 ») un très grand clos (là où est actuellement
le parc Chaumoncel) « à Monsieur Caron », celui-ci est à l’époque le
propriétaire de Haute-Maison, château que l’on voit sur le plan de l’autre côté
de la rue aux Vaches [rue Ludovic Halévy]. Au sud de la rue de la Croix, la future
terrasse de Chaumoncel (en « 3 ») fait partie du clos Archambaud.
Le nom de Chaumoncel semble provenir de la proximité des fours à chaux attestés à proximité au XVIIe siècle.
La demeure peut déjà être qualifiée de château, nous y
voyons un grand corps de bâtiment et un pavillon d’angle mais aussi de nombreux
communs le long de la rue et de chaque côté de la grande cour.
C’est sans doute à la même époque que le « parc Chaumoncel »
a été cédé par les propriétaires de Haute-Maison à ceux de Chaumoncel.
Cette gravure correspond sans doute à l’époque où Madame de
Sainte-Amaranthe est devenue propriétaire du domaine (en 1793) et y a fait de
nombreux travaux. La référence au département dans le titre nous permet
d’affirmer qu’elle est postérieure à 1790 (les départements ont été créés
alors).
L’inventaire fait en 1796 à l’occasion de la vente des biens
nationaux signale que le Clos de ville appartient aux héritiers
Sainte-Amaranthe. Le domaine s’étend donc aussi au sud de la rue (l’ancien clos
Archambaud).
Il est impossible de parler du château sans évoquer le sort
tragique de la famille de Sainte-Amaranthe.
Devenue propriétaire le 19 avril 1793, Madame de
Sainte-Amaranthe menait grand train à Paris, rue Vivienne, enchaînant les
riches amants depuis la fuite de son mari, ruiné. Peu avant 1793 elle avait
fait la connaissance de Jean-Louis Aucane, un créole ayant fait fortune aux
Antilles et tenant une maison de jeux au Palais royal. Sa fille Emilie venait
d’épouser monsieur de Sartine.
Tout ce beau monde a préféré s’installer à Sucy, la
situation à Paris étant de plus en plus tendue, nous sommes dans cette période
de la Révolution connue sous le nom de Terreur où dénonciations, tribunaux
d’exception et exécutions sont monnaie courante.
La fortune de la famille fait alors de Chaumoncel le château
le plus fastueux de Sucy.
Mais le 12 germinal de l’an 2 (1er avril 1794)
sur ordre du Comité de sûreté générale, les sans-culottes parisiens viennent à
Sucy arrêter Madame de Sainte-Amaranthe, sa fille (19 ans) et son gendre. Son
fils Louis (16 ans) est lui aussi emmené en prison. Les causes de ces
arrestations sont assez floues (pour tous les détails sur cette affaire se
reporter au tome 2 de l’Histoire de Sucy publié par la SHAS). Madame de
Sainte-Amaranthe et ses enfants furent guillotinés le 29 prairial de l’an 2 (17
juin 1794). M. Aucane arrêté un peu après sera lui aussi guillotiné.
Avril 1794, arrestation de la famille Sainte Amaranthe au château de Chaumoncel à Sucy-en-Brie
Evements évoqués largement dans le dernier livre de la SHAS "Par dessus la cocarde" (pages 53 à 65)
Après ces événements tragiques le château reste inoccupé et sous séquestre.
Après une longue période d’inoccupation, le château passe
dans les mains de Monsieur Jean-Simon Boubée et y reste jusqu’en 1844. Il continue
par des achats côté terrasse à agrandir le parc et passe même en 1813 un accord
avec M. Camot qui possédait des terres sous la terrasse, accord qui interdit à ce
dernier de bâtir ou planter des arbres sous ladite terrasse. On comprend que le
propriétaire du château veuille protéger la belle vue sur la vallée en contrebas,
vue que nous admirons toujours en nous promenant.
En 1844 le général Louis-Gabriel-Hippolyte Ruelle achète le
château et son domaine. Il a participé aux campagnes de l’Empire. Il revendra
le domaine en 1856 à M. Villebrun.
Hélas lors de la guerre de 1870 le domaine est occupé et
entièrement pillé, comme d’autres châteaux à Sucy.
M. Villebrun est sans doute moins riche que d’autres
propriétaires. Il multiplie les demandes d’indemnités mais rien n’y fait. Il
n’aura pas les moyens de relever le château.
Le château, resté à l’abandon, est progressivement démoli
de 1880 à 1891, d’après le témoignage du curé de Sucy de l’époque.
En 1894 les héritiers Villebrun font établir un cahier des
charges pour la vente par lots du domaine. Des voies sont alors percées qui
reprennent les noms des anciens propriétaires :
Le plan Garciot de 1907 nous présente la situation en ce
début du siècle :
Les nouvelles rues sont bien visibles et certains lots, en
particulier sur la terrasse, sont déjà construits. Ces belles maisons en
meulières existent toujours.
A noter en « 1 » le seul reste du château, un
pavillon d’angle qui fut rasé en 1963, et en « 2 » des anciens
communs eux aussi sauvegardés alors et qui ont disparu récemment.
Le percement de l’avenue Winston Churchill en 1965 participe à la transformation des lieux pour en faire ceux que nous connaissons aujourd’hui :
Nous retrouvons sur la carte actuelle de la ville bien
des traces de cet ancien domaine.
La plus notable est bien sûr le Parc Chaumoncel en
centre-ville qui n’a été sauvegardé que parce qu’il faisait partie du domaine
du château.
Le lotissement nous a, lui, laissé de belles demeures et par des
noms de rue le souvenir de certains des propriétaires successifs.
A vous promeneurs rue de Boissy de tourner la tête en
passant devant la rue Sainte-Amaranthe et d’imaginer au-delà de la porte qui ferme le
passage une grande cour et un château…
Etude menée par Marc Giraud, membre de la SHAS
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